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Les routes et véhicules au Sénégal


Le paradoxe sénégalais en images



Voici une des 137 limousines du marabout Modou Kara Mbacké.


Les Africains ont un grand sens de l'équilibre

En me rendant à Mbour, à Dakar ou en Casamance, je me suis rendu compte que les véhicules sont très divers et variés et qu'ici, ils ont un code de la route spécial au pays. 

Déjà, un ami m'a raconté comment il a passé son permis de conduire. Tu vas à un rendez-vous, tu passes la première, tu recules, tu fais un créneau entre deux piles de pneus et tu vas voir l'inspecteur avec une enveloppe fermée pour réussir cet examen difficile du premier coup. En France, c'est dix fois plus cher et dix fois plus long.

De toutes manières, le permis est totalement inutile ici car il suffit de coller un badge avec un marabout pour faire tout ce que tu veux sans aucun risque. J'ai serré les fesses dans un transport en commun qui doublait en haut d'une côte en passant une ligne blanche. Hé bien pas de problème: la voiture en face a roulé sur le bas-côté. Tout s'est bien passé. D'ailleurs, les passagers imperturbables avaient confiance, habitués à cette divine chance.

Des apprentis restent debout sur le marchepied à l'arrière du bus pour faire payer. Des fois, il y en a un qui tombe, ou c'est le marchepied trop rouillé qui tombe sous le poids de trois personnes avec les secousses. (lire la suite)

Ils sont très décorés et régulièrement repeints un demi-siècle après leur mise en service. J'ai vu une fois passer un bus décapotable. Le chauffeur astucieux avait ainsi inventé la climatisation gratuite.

Cabine de bus décapotable pour une climatisation gratuite


Il arrive que ces vieux bus ou une voiture tombent en panne.  Les warnings sont inutilisables comme les feux de positions car la batterie ne tiendrait pas dix minutes. Dans ce cas, on reste sur place, même au milieu de la route. On met une branche d'arbre comme signal, mais la nuit ce n'est pas très efficace. Pourtant, la nuit, on devrait bien voir. Les Sénégalais roulent toujours en plein phare par sécurité. On n'est jamais trop prudent. 

Le marabout Touba de ce camionneur est très performant

Bien sûr, il y a beaucoup d'accident surtout avec les transports en commun. Les bus Tata en particulier aiment bien faire la course comme ici (lire) et ça fini mal. Les gens des environs viennent vite porter secours aux accidentés. Ils cherchent dans les poches des morts ou des blessés s'ils trouvent le numéro de téléphone d'un proche ou bien ils emportent les valises et les sacs pour les mettre à l'abri des voleurs.

 

Les voisins sont les 1ers à porter secours aux victimes... et aux bagages

Les Sénégalais sont très forts en équilibrisme. Ils arrivent à hisser sur le toit de leur véhicule des montagnes de bagages qui tiennent avec deux ficelles. Inch Allah. C'est économiquement bien pensé car un seul voyage suffit. On pourrait se dire que cela c'est de l'inconscience et que ça va provoquer des accidents ces échafaudages instables. Hé bien non. Ce n'est jamais de leur faute et c'est prouvé.

 

Si le véhicule bascule, c'est seulement à cause des trous de la route


En effet, c'est à cause d'un virage que le véhicule a basculé. Ou bien à cause d'un trou dans la chaussée. Ou bien à cause d'un pneu qui a éclaté. Il arrive aussi qu'une passerelle piéton qui n'était pas là hier décapite le chargement. 

Les chauffeurs sont très content de rendre service et ils offrent des places sur leur toit à ceux qui n'ont pas pu rentrer à l'intérieur. Le problème, c'est si le chauffeur donne un coup de frein brutal au passage d'une chèvre, tout le monde descend.

Super ! Il faudrait faire ça à Paris dans les RER aux heures de pointe

Les chauffeurs ont toujours déclaré que ce n'est pas de leur faute. Ici, c'est à cause de la chèvre. D'ailleurs, la police est d'accord car elle ne dit rien au passage de ces véhicules surchargés.

Les gendarmes eux sont préoccupés par la sécurité routière et préfèrent effectuer des contrôles de vitesse dans des zones de danger comme ici.

Les gendarmes s'occupent de la sécurité d'abord dans les zones à risque.

Les policiers effectuent des contrôles réguliers et font gagner beaucoup d'argent au Trésor Public vu le nombre de PV qu'ils dressent. 

Ainsi, un ami belge s'est fait arrêter à Dakar. Il était surpris car il n'avait fait aucune faute et son véhicule est nickel. Le flic s'approche et lui demande ses papiers. Il regarde soigneusement la voiture, fait fonctionner l'éclairage et tout. Finalement, il vient lui dire de manière agressive: "Vous portez une ceinture de sécurité". Il faut dire que c'est assez rare au Sénégal. "Hé bien oui monsieur l'agent" répond cet ami. "Bien. Pévé 3000". Interloqué, cet ami lui dit: "Mais pourquoi? C'est obligatoire non?". Le flic lui répond: "Monsieur, ici, si on met sa ceinture de sécurité, c'est parce qu'on a l'intention d'aller vite".

Une autre fois, j'étais dans le gros 4x4 de Jules qui habite à Saly depuis longtemps. Nous étions sur la route à la sortie de Saly pas loin après la gendarmerie quand un homme en tenue nous fait signe de nous arrêter. Jules se gare et dit: "Il est en vert. C'est un bleu". Il connait. Il descend et commence à parler après lui avoir donné ses papiers: "Bonjour mon ami, comment ça va... et au village... et la famille... Alors, qu'est-ce qui ne va pas?" Il connait. Le jeune bleu lui dit: "Vous alliez très vite, sûrement à plus de 80 km/h".  Jules lui répond: "Mais oui, c'est juste. J'étais à 100. Mais regarde ! Nous sommes combien dans la voiture? — Heu... quatre — Bon alors tu vois ! Ça fait 25 km/h par personne. Ça va ?". Le jeune regarda le vide, puis lui rendit ses papiers un peu penaud en murmurant: "Ça, j'ai pas appris". Jules, lui, il connait.

Il arrive qu'un camion se trompe sur une voie rapide et décide de faire demi-tour. Il s'agit souvent de camions maliens prêts à tout risquer comme ici. Ils ne sont pas intelligents. Ramasser tout ces sacs a provoqué un encombrement monstre des deux côtés.

Les chauffeurs maliens ne sont pas malins pour faire demi-tour
 

Les taxis sénégalais sont beaucoup plus astucieux. Ils empruntent la passerelle piéton pour se retrouver dans le bon sens. 

Pour faire demi-tour, les chauffeurs sénégalais sont plus astucieux

A propos des camions, il faut faire attention à bien respecter le Code del a route sénégalais. "Le camion a toujours priorité dans tous les cas". Ici, on voit le résultat de ce non respect du code local. J'avoue que des fois je me demande comment ils sont arrivés à faire des enchevêtrements pareils.

Dans le code de la route sénégalais, le camion a toujours la priorité


Il existe un autre moyen de déplacement, ce sont les charrettes. Elles sont omniprésente même parfois sur l'autoroute.

Le progrès profite à tout le monde

Il faut dire que c'est le seul moyen de locomotion qui fonctionne bien lors des inondations, à part les bateaux comme ici à Dakar. Les charrettes et les chevaux sont amphibie.

Charrette amphibie modèle "Spécial Dakar"

Les voitures de luxe au Sénégal

 
Les voitures de luxe sont réservées aux religieux, aux hommes politiques, aux sportifs, aux chanteurs et aux escrocs. Il est possible de s'en procurer à un bon prix par la filière des voitures volées en Europe. Ce n'est pas le cas des voitures commandées spécialement comme ici.
 
 
Jaguar à carrosserie spéciale rallongée pour le marabout Kara Mbacké
décorée par quelques hommes d'affaires. Il a 137 voitures de luxe
  
 
 


 


Voici un modèle de BMW décapotable "Spéciale Magal de Touba"
de 14.200 chevaux. Regardez 3 mn, vous comprendrez


 

Rolls Royce spécialement adaptée pour la prière

 
Une des voitures du footballeur El Hadji Diouf


Il arrive aussi qu'un chanteur offre une voiture à un religieux, comme Waly Seck au Khalife des Mourides. C'est merveilleux cette entraide fraternelle entre riches (lire).


Le problème de ces voitures de luxe ou de sport, c'est qu'elles ne sont pas adaptées au réseau routier du Sénégal. Donc, elles restent au garage ou elles ne servent qu'à des exhibitions de M'as-tu-vu à Dakar, à Saly ou à Touba. En effet, les routes du Sénégal sont dangereuses en particulier pour les voitures de luxe à cause des ralentisseurs et des trous.

 

Les gendarmes couchés

La Maybach présidentielle à 1 milliard Fcfa

Pourquoi appelle-t-on ces cassis de ce nom ? Mystère. En tout cas, l'autre nom de "casse-essieu" serait plus approprié. 
 
Une nuit, en rentrant de Dakar par la N1, je n'ai pas vu un cassis car le plus souvent ils ne sont pas signalés. Le coup de raquette ! J'ai touché le plafond. Heureusement que j'étais accroché au volant. 
 
Quelqu'un qui n'a pas eu de chance, c'est le Président Macky Sall. Pensez donc ! Il venait de s'offrir la voiture la plus chère du monde, une Maybach Mercedes blindée pour un milliard de Fr cfa. Plus chère que la limousine de Trump. C'est normal: il est indispensable d'éblouir le monde si on veut tenir son rang dans la hiérarchie des pays sous-développés. 

Donc, le président sort pour la  première fois avec comme passager de marque, le Président Traoré. 

Malheureusement, il est passé sur un cassis sénégalais et le châssis a frotté. La luxueuse limousine a commencé à prendre feu. Quel dommage. 

Un cassis partiellement aplani (clic)

Alors, on a commencé à aplanir les casse-essieux comme ici, mais visiblement, l'entreprise a fait des économies de goudron en n'allant pas jusqu'au bout.

En réalité, ces cassis sont des leurres. Ils sont réalisés soit-disant pour la sécurité mais le problème n'est pas là. 

Les nombreux accidents sont causés par l'inconscience des conducteurs, l'absence d'un véritable permis de conduire, un laxisme total des forces de l'ordre, un état lamentable des véhicules en circulation, et un contrôle technique obligatoire qui est totalement bidon. Et aussi à cause de l'état des routes. (Lire ici mes propositions)

Les routes mitées

 À gauche c'est moins troué. Cliquer

Les routes sont difficiles à entretenir. En effet, il y a juste une couche de bitume directement sur le sable. 

Ainsi, un petit trou laisse entrer la pluie et d'un seul coup, au passage de véhicule, le bitume se casse et on se retrouve avec une chaussée comme un gruyère. Si bien que, comme ici, les gens doivent zigzaguer entre les trous et parfois préfèrent rouler à gauche si la chaussée est meilleure.

Un trou et la remorque s'est détachée. Cliquer

Malheureusement, comme sur cette route vers le Niokolo-Koba, ce camion n'a pu éviter un trou et sa remorque s'est détachée sous le choc.

Un ancien consul honoraire de Saly m'a expliqué que des subventions européennes étaient données pour l'amélioration du réseau routier. Le problème, c'est que le ministre chargé des routes prélevait sa part, son directeur de cabinet aussi, et qu'ainsi la chaussée qui devait comporter la couche de fondation, la sous-couche drainante puis le bitume n'était plus faisable. L'entreprise avait juste assez pour couler du bitume cache-misère.

Maintenant, au lieu de donner de l'argent aux gouvernements, il est donné directement aux entreprises de BTP et les routes durent beaucoup plus longtemps comme la N1 Dakar/Saly. Alors, comme les dirigeants politiques voulaient leur part, et que des entreprises ne voulaient pas, on a mis en prison certains dirigeants sous des prétextes fallacieux comme Bara Tall, le PDG de Jean-Lefebvre Sénégal. Sans preuve, il a fini par être relaxé. (Voir).

Les autoroutes incendiaires

C'est une grande avancée pour désenclaver le pays. Les expropriations ont été menées sans ménagement surtout que les infrastructures ne sont pas prévues par un plan prévisionnel. De toutes manières, les Sénégalais se seraient installés sur des terrains d'emprises réservées. Il suffit de voir qu'ils construisent dans les zones inondables et se plaignent ensuite.

Deux voitures brûlent chaque jour sur autoroute

Le problème des autoroutes est le nombre élevé d'accidents. Premier facteur, la vétusté des véhicules. 4400 voitures en 6 ans, cela fait deux véhicules qui brûlent chaque jour (lire). Manque d'eau, manque d'huile. 

Ensuite, les conducteurs n'ont pas l'habitude de la vitesse et perdent le contrôle de leur véhicule facilement. Alors, ils accusent la SENAC réalisateur et gestionnaire français des autoroutes en disant qu'elles doivent être éclairées partout. Il faut avouer que la plupart du temps, les voitures surchargées éclairent plutôt le ciel. Le gestionnaire a bon dos.

Enfin, l'autoroute est un barrage. Les éleveurs font des trous dans les grillages pour faire passer leurs bêtes et parfois un zébu égaré est heurté par une voiture, ce qui est arrivé à Papis (lire) un célèbre chanteur qui en est mort...


La folie des grandeurs

Les Sénégalais sont fous de voiture. Tout d'abord, il y a un parc impressionnant de cercueils roulants par pauvreté il est vrai, mais aussi par décision de l'administration. En effet, il est interdit d'importer des véhicules de plus de 5 ans au Sénégal. Cette durée vient d'être prorogée à 8 ans. Quand on voir la sévérité des contrôles techniques en Europe, une voiture de 10 ans est encore en très bon état et peu chère. 

Les partis politiques ont beaucoup de belles voitures neuves 

Mais voilà, il faut protéger les importateurs de voitures neuves. Ces importations rapportent beaucoup car elles sont taxées à 60%. C'est ainsi que pour se procurer une voiture neuve il faut être élu ou chef de village ou être dans l'administration. Les voitures offertes aux politiques (lire) et aux administrations ont coûté 307 milliards de Fcfa (lire) ces 6 dernières années. On voit aussi des manifestations politiques avec des militants qui défilent dans des pick-up 4x4 flambants neufs (photo). Ou des ambulances en bon état offertes par des ONG qui servent pour du transport de moutons... C'est encore un autre sujet.

Le président Wade a vu au premier tour des présidentielles de 2012 qu'il allait perdre. Hé bien, entre les deux tours il a commandé 1000 voitures neuves que son successeur a fait recherché. On a trouvé chez des marabouts, cachés dans des garages de casernes, etc. Dilapidation !


Le Train Express Régional fantôme

Future gare de Diamniadio pas finie
Le TER, Train express régional a été inauguré il y a deux ans par le président Macky Sall. C'est un bon moyen de transport rapide pour desservir les banlieues en évitant les encombrements monstrueux.

Les rames ont été livrées et fonctionnent mais elles prennent la poussière. Les voies ne sont pas assez stables sur un terrain mouvant, les rails sont régulièrement volés, et les gares construites par des entreprises sénégalaises ne sont pas finies.


Le TER prends la poussière depuis 2019
Évidemment, on accuse la France et ses entreprises de tous les maux.

Est-ce que le Sénégal est prêt pour le progrès occidental ? Les comportements prendront du temps pour s'y adapter. En attendant, les transports collectifs de ce type ont encore de beaux jours devant eux. Et tant mieux pour les touristes en mal d'exotisme. Et tant pis pour les tibias de ces femmes si les bouts de bois glissent.


 




1 commentaire:

  1. J'ai peur pour les tibias de ces femmes si le hayon se referme !

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